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Empreintes

Ne pas trop réfléchir aux 400 rétines, aux marques que l’on laisse au moment de l’attaque.

Botter en touche les visages fermés, refuser l’envoûtement des sourires.

Concentrée sur la précision de l’acte, la finesse du geste.

Placer l’ultime coup de pinceau. Il tinte sur le vase comme sur du crystal.

Dévouée à la forme.

La forme reste quand l’instant a cessé de sonner.

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Medicine woman

N’est-ce pas étrange d’user des gens comme médecine? Et pourtant certaines rencontres soignent l’âme, et elle sait où chercher si on la laisse faire.

La solitude m’a guérie aussi, à sa manière. En me ramenant vers la présence qui, elle, n’était jamais partie. Qu’était là à attendre, dans son allure nonchalante d’éternité.

En guise de pansement, les bons soins d’un docteur m’ont soulagée. Rien ne sert de souffrir sans issue.

Les projecteurs, ça je gère. J’ai aimé, j’espère un retour de flamme.

On a tous en nous quelque chose d’un beau messie.

Parfois diamant.

Parfois charbon.

A.A.

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Illuminations obscures

Ma douce,

Au creux d’une sévère nuit sans sommeil, la réalisation finit par m’atteindre, celle de ma solitude… Alors que tant d’amis m’entouraient il y a un an encore, presque tous sont partis. Au moins ai-je la notion de leur présence dans un pays lointain pour me consoler.

Cela n’enlève rien à la douleur présente, une tristesse telle de me retrouver si seule, comme tu l’as bien senti. Il faut bien que j’avance dans ma ville dépeuplée, et que je continue jusqu’à retrouver la voie, ou la quiétude – un jour peut-être? J’ai l’impression d’errer depuis si longtemps que cette issue me semble absurde.

Pour toi en revanche la confiance grandit, pour preuve cette vision que j’ai eue dans la montagne, qui m’est apparue avec une telle clarté que je l’ai notée à la va-vite sur un bout de post-it.

Elle disait:

Tu vas le trouver ton chéri. Tu iras le chercher au fond de l’enfer s’il le faut, et vous rentrerez ensemble à la maison, et il te bâtira un grand lit où vous concevrez de beaux enfants, et vous les aimerez, et ils joueront devant le porche, pendant qu’on se racontera des histoires du temps jadis…

À bientôt, douce.

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Gantelet, gouttelettes

Lumineuse Ambre entre chienne et louve. Tu couves ton petit feu, c’est bien ce qu’il faut quand on manque de combustible et qu’on n’a que ce petit grésillement entre nous et la froide hostilité du dehors.

J’ai pour ma part tenté une autre approche pour me reconnecter au feu sacré, celui qui m’habitait quand j’ai fait le vœux d’être visible. De cette réalité que j’ai souhaité manifester avec tant de conviction il y a plusieurs années, j’en ai encore l’image nette. Je me vois souriante sur une scène, débordante d’énergie, communiant avec le public dans l’euphorie et les applaudissements, dans la grâce des instants au-delà des mots.

À l’époque où cette image m’apparaissait, je m’en souviens, j’ai vu la montagne à gravir. J’ai vu que le chemin qui y menait se perdait dans les nuages. Il faudrait payer à nouveau le prix de la visite aux esprits malins, il faudrait entrer dans la brume et accepter d’errer. La guerrière d’alors, emplie de la certitude des vainqueurs, y voyait la promesse d’une aventure.

J’y ai sauté à pieds joints dans ce nuage, du haut de mes baskets magiques. L’amour chevillé au corps, la cape flambante, le menton haut et l’œil fringuant.

Mais dans les brumes, point de glorieuse conquête. Avec pour seul horizon les perles du doute suspendues dans l’air, je ne vois que le rictus de mon propre ennemi, en reflet infini dans les vapeurs insaisissables. Je cours, je cours, sans savoir si je monte ou descend, si j’avance ou recule, en boucle sans rétroaction. La panique cède au désespoir.

C’est ainsi qu’une voix lointaine me trouve, sanglotant sur un rocher glissant, résignée à la réalité de mon égarement.

Alors je me lève. Fermant les yeux, je marche sans plus songer au sol ni au ciel, suspendue cette voix qui me dit : “Viens à moi !” À bout d’énergie, c’est un ressort du fond des âges qui me propulse et balaie toute discussion. Je jette mes vêtements trempés, ma cape profanée par les diablotins, mes bottes de sept lieux. Nue dans la brume ma peau se réchauffe et moi aussi je crée ma vapeur, et l’eau ruisselle sur moi comme une rivière.

J’ignore combien de temps encore je marche sans regarder. Je sais qu’à un moment j’ai vraiment chaud et que je dois m’arrêter. Enfin mes yeux s’ouvrent sur une prairie d’alpage, bercée de doux rayons dans une mer de nuages. Et apercevant le soleil, je me rends compte que j’étais en train de chanter.

A.

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Émois des mois

Très chère,

Étant sans nouvelles depuis quelques temps, je te suppose engouffrée dans une tortueuse quête intérieure. La mienne n’a pas atteint le point où tout s’éclaircit, mais j’en suis à pousser le wagon hors des mines de mes ruminations. Il sortira par la force s’il le faut.

Comment savoir que le fruit est mûr? N’en sommes-nous pas toujours à observer avec effet retard ce qui s’est déjà achevé? Y a-t-il une force mystérieuse qui me souffle d’accoucher, ou est-ce la lassitude de porter cette genèse qui me fait pousser avant l’heure?

Si pour moi les origines sont relativement balisées, elles n’en sont pas forcément apaisées. Les secrets et les non-achevés continuent toujours de nous rendre visite, même quand on les avait consciemment oubliés. Les racines peuvent nous alourdir telle une bûche, si trop peu de soin a été mis à les garder en vie.

C’est du côté de mes identités choisies que la confusion règne. En témoigne la page de ma vitrine professionnelle en éternel chantier, bloquée en synchronique avec le muscle raide de ma nuque droite.

Comme je rêve d’un bureau avec une porte et mon nom dessus ! Et sous mon nom, en lettres d’imprimerie, un beau titre bien concis, franc du collier.

De cette hésitation je ne sais qu’en déduire. Je me plais à penser que si je ne veux pas qu’on me trouve, c’est que j’ai peur de me trouver.

Tes lumières me seraient bienvenues, si toutefois il s’en trouve dans l’endroit où tu marches.

Bien affectueusement,

A.

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Belle amie,

Comme un rappel de l’impermanence, notre correspondance a fait des embardées avec le réel…

Nous revoici, cette fois je l’assure, sur des bases plus solides!

A.

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Chère amie,

Ainsi toujours portées vers de nouveaux rivages, nous voici embarquées dans cet esquif suspendu !

Que ses voiles nous soient baume.

A.